La personne soignée : une personne qui espère

L’espérance… Exprimée dans le récit ou enfouie au fond de soi, existante ou non, l’espérance est plus forte qu’un simple optimisme.

La personne soignée : une personne qui espère

L’espérance… Exprimée dans le récit ou enfouie au fond de soi, existante ou non, l’espérance est plus forte qu’un simple optimisme. Le grand romancier russe, Léon Tolstoï, connaissant un jour une crise de la foi qu’on pourrait aisément comparer à ces autres crises de la vie, écrivait : « Je sentais que ce sur quoi je me tenais se brisait sous moi, que le sol manquait sous mes pieds, que ce dont je vivais n’existait plus, que moralement je n’avais plus de quoi vivre (…) Je ne savais pas moi-même ce que je voulais : j’avais peur de la vie, j’aspirais à en sortir, et cependant j’espérais d’elle encore quelque chose » [1] . Je me souviens d’un couple de fiancés que je préparais au mariage il y a plusieurs années maintenant et qui me disait que l’amour c’est une fidélité à vivre au-delà de tous les « malgré » d’une vie… J’y vois là, quelque chose de cette espérance plus forte que les épreuves qui peuvent ponctuer notre existence : l’espérance comme ce possible, encore, malgré tout ! Elle peut traduire cette foi en l’homme comme une foi en Dieu. Laïque ou religieuse, l’espérance appelle la foi, la nourrit, la comble si bien qu’elle devient ouverture sur un « à-venir » ! En parlant du christianisme, Mgr Vingt-Trois disait alors de l’espérance qu’elle est « le contenu d’un message historiquement connu : l’amour de Dieu est plus fort que la mort » [2] .

Sans doute, les anonymes des évangiles ressentent-ils pareils sentiments. Nombreux sont celles et ceux à se presser auprès de Jésus pour manifester cette espérance à travers des mots ou des attitudes simples, sans emphase d’aucune sorte, mais toujours habités de vérité et de profondeur, parfois d’une foi en Dieu balbutiante mais non moins réelle. On peut penser bien entendu à cet épisode au cours duquel on amène à Jésus un paralysé étendu sur une civière (Mt 9, 1-8), ou encore à la guérison de deux aveugles (Mt 9, 27-31 ; 20, 20-34) ou d’une Cananéenne (Mt 15, 21-28). On peut penser également à ces nombreuses personnes amenées vers Jésus (Lc 4, 40-41) qui Lui reconnaissent cette capacité d’ouvrir un avenir, de ne pas laisser le mal les hanter et les abattre encore davantage. Tous ces miracles nés d’une foi même minime en Dieu, restent donc les signes de la manifestation du Royaume de Dieu, déjà là. Il y a, ici même, quelque chose de sacramentel si l’on considère que le « sacrement signifie en effet don divin de salut dans et par une forme extérieurement saisissable, constatable, qui concrétise ce don : un don de salut en visibilité historique » [3] . Il y a là un signe efficace de la grâce de Dieu qui intervient et opère dans l’homme tout en l’invitant à grandir intérieurement dans cette relation qui le lie à Dieu.

Bien entendu, si ces miracles – et d’autres encore que je n’ai pas cités – maintiennent et affermissent l’espérance du possible, il convient de reconnaître qu’ils prennent plusieurs formes, pas toujours aussi visibles que celles qui viennent d’être montrée en exemple. Nous sommes tous témoins de situations parfois aux limites de l’explicable et qui traduisent chacune à leur manière que la personne soignée porte en elle cette vertu capable du meilleur. L’espérance que peut partager la personne soignée peut consister à croire qu’au-delà de l’épreuve si déstructurante, la vie reste possible. Ce chemin-là, partagé ou non par d’autres, n’en demeure pas moins compliqué parfois à reconnaître, à admettre, à soutenir. Parce que « l’échec est rupture, perte provisoire d’une image de soi (…) douleur pour soi et bien souvent pour d’autres » [4] , l’accompagnement de la personne soignée prend une coloration particulière emplie de pudeur, d’estime, de respect, soutenant la recherche d’une espérance toujours possible.

Je rejoins ainsi ce qu’écrivait Mgr Doré à l’occasion d’une conférence de Carême qu’il avait donnée alors qu’il était encore archevêque de Strasbourg. Il disait ceci : « (…) l’espérance est par définition, on l’a dit, orientée vers un ʺaprèsʺ qui ne soit pas seulement un futur, mais véritablement un avenir (…) la foi chrétienne, et même plus largement la foi judéo-chrétienne, annonce justement le Dieu qui vient, et vers lequel d’ailleurs nous allons (…) Pour la Bible, Dieu est essentiellement la puissance de l’avenir. Il est Celui qui, ayant contracté avec son peuple une Alliance, lui ouvre sans cesse un horizon de salut : ʺJe ne t’abandonnerai jamais. Je suis vivant pour toi aux siècles des siècles !ʺ » [5] .

Que l’on reconnaisse ou non la foi chrétienne, il convient de saisir que rien n’est définitivement acquis. Ce serait bien prétentieux de ma part de croire que pour toute personne en demande de soins, tout soit aussi simple, quand bien même elle porte en elle une foi quelconque. L’espérance, en ce sens, n’est pas un jeu, le signe magique d’un conte de fée où tout ne peut qu’aller bien, mais davantage une force intime qui libère une parole, un sentiment fondé sur la foi que tout ne se réduit pas à l’immédiateté de la vie, quand bien même celle-ci soit difficile et éprouvante. Il demeure alors cet espace jusque-là pas encore visité et porteur d’avenir et qui donne, par la même occasion, une force nouvelle face au combat quotidien. Je retrouve alors ces mots du pape Benoît XVI dans l’encyclique Sauvés dans l’espérance où il est écrit que « l’homme a pour Dieu une valeur si grande que Lui-même s’est fait homme pour pouvoir compatir avec l’homme de manière très réelle, dans la chair et le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance humaine est entré quelqu’un qui partage la souffrance et la patience ; de là se répand dans toute souffrance la consolation ; la consolation de l’amour participe de Dieu et ainsi surgit l’étoile de l’espérance » [6] .

De Sébastien Klam, prêtre de Metz

[1] Léon TOLSTOÏ, Ma confession, p. 244, cité in Jérémy RIFKIN, op. cit., p. 162.

[2] Cité in Benoît XVI, Sauvés dans l’espérance, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2007, p. II.

[3] Edouard SCHILLEBEECKX, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, Paris, cerf, Foi Vivante, n°133, 1960, p. 23.

[4] Véronique MARGRON, op. cit., p. 55-56.

[5] Joseph DORE, La grâce de vivre en chrétien, Paris, Mame, 2006, p. 122.

[6] Benoît XVI, Sauvés dans l’espérance, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2007, p. 59-60.

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