Paternité et toute-puissance de Dieu

Le problème de la toute-puissance de Dieu est sérieux car il est lié à la question du mal. Il trouble souvent les personnes que nous accompagnons.

Paternité et toute-puissance de Dieu

Le problème de la toute-puissance de Dieu est sérieux car il est lié à la question du mal. Il trouble souvent les personnes que nous accompagnons. L’expression « toute-puissance de Dieu » revient continuellement dans notre liturgie comme dans le vocabulaire chrétien habituel. Or, entendre parler d’un Père qui serait tout-puissant ne correspond pas à l’expérience de ceux qui ont vécu la paternité ou la maternité humaines, au contraire. Ils expérimentent quotidiennement que la relation entre parents et enfants est de l’ordre de la vulnérabilité et de la gratuité, de la responsabilité certes, mais non de la puissance. Que peut signifier alors un Père tout-puissant pour des parents qui ont un enfant en train de mourir d’une pathologie grave, ou pour un couple qui se déchire, ou encore pour quelqu’un qui s’épuise à lutter contre un cancer ? Surtout quand il s’agit de personnes qui pratiquent leur foi et qui ont la conscience d’avoir fait « tout ce qu’il faut faire » quand on est un bon chrétien : aller à Lourdes, faire dire des messes, prier le chapelet, demander la prière de groupes d’intercession, vivre en solidarité avec d’autres souffrants, etc. Comme Job, elles se demandent ce que fait le Dieu tout-puissant (9 et s.). En effet, dans le judaïsme, le juste est béni en surabondance, et donc, s’il rencontre un échec grave, il peut être tenté de se croire rejeté, puni par Dieu. Les chrétiens aussi s’exclament : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour que... » Si nous avons l’impression que notre maladie est une punition, alors nous nous interrogeons : « Ne suis-je pas juste ? Qu’ai-je fait de mal ? Qu’ai-je transgressé ? » C’est ce que les amis de Job ont essayé de lui faire comprendre, en vain : que sa souffrance ne pouvait pas qu’être une punition.

On sait en effet, dans le cadre de l’accompagnement spirituel comme du travail thérapeutique, que nombre de personnes malades ou fragiles vivent un profond sentiment de culpabilité. Elles s’interrogent : j’ai dû dysfonctionner pour attraper telle ou telle maladie. Et quand notre société renvoie, comme causes des maladies, à l’alcoolisme, au tabagisme, au mode de vie..., elle les écrase encore plus. Elles se culpabilisent également parce qu’une fois malades et dépendantes, elles pèsent sur les autres. Pour nombre de personnes âgées, par exemple, ce qu’il y a de plus dur, c’est de se sentir inutiles et à la charge des autres. Elles se disent parfois : « Je suis devenu(e) un poids pour les autres (famille, société), ils vont finir par m’en vouloir... » Dans une société d’excellence, certains de ses membres ressentent de la honte à ne pas remplir leur fonction et à avoir un agenda vide. Quand s’ajoute alors l’image d’un Dieu tout-puissant qui est en surplomb et qui semble juger de là-haut, cela devient encore plus difficile à vivre. Il est tellement important de conserver l’estime de soi.

Or, l’enseignement sur la toute-puissance de Dieu est classique et se retrouve dans le langage théologique traditionnel. La question qui se pose particulièrement aujourd’hui est celle du sens à lui donner, car on ne peut envisager de tout simplement l’éliminer du vocabulaire chrétien. Le Catéchisme de l’Église catholique en parle de façon brève et traditionnelle et ne s’appesantit pas sur la difficulté parfois insurmontable que posent à nos contemporains de telles affirmations. On lit au paragraphe 268 : « De tous les attributs divins, seule la toute-puissance de Dieu est nommée dans le Symbole des Apôtres. Confesser cette toute-puissance est d’une grande portée dans notre vie : nous croyons qu’elle est : universelle (car Dieu qui a tout créé, régit tout et peut tout), aimante (car Dieu est notre Père), mystérieuse (car seule la foi peut la discerner lorsqu’elle se déploie dans la faiblesse...). Rien ne Lui est donc impossible et Il dispose à son gré de son oeuvre. Il est le Seigneur de l’Univers dont Il a établi l’ordre qui lui demeure entièrement soumis et disponible, Il est le Maître de l’histoire. La toute-puissance de Dieu n’est nullement arbitraire, de sorte que rien ne peut être dans la puissance divine qui ne puisse être dans la juste volonté de Dieu ou dans sa sagesse intelligente. »

Au paragraphe 272, le Catéchisme poursuit en parlant du mystère de l’apparente impuissance de Dieu lorsque la foi est mise à l’épreuve du mal : « Dieu le Père a révélé sa toute-puissance de la façon la plus mystérieuse, dans l’abaissement volontaire et dans la résurrection de son Fils par lesquels il a vaincu le mal. » Il est donc affirmé que tout est soumis et disponible pour Dieu, alors que la réalité du quotidien donne l’impression qu’il est mis en échec. Le mal est à l’œuvre partout, l’injustice fait un grand nombre de victimes. Même si, bien sûr, le bien et l’amour sont également à l’œuvre, mais de façon moins spectaculaire et moins bruyante. L’ordre mondial ressemble plus à un désordre généralise au détriment des plus faibles. Donc, cette puissance de Dieu « qui dispose, à son gré, de toute son œuvre », semble singulièrement inefficace à certains moments, devant certaines réalités. Et même si nous croyons que Dieu est capable de tirer du bien du mal, nous sommes confrontés à des souffrances qui sont parfois révoltantes, insupportables pour l’homme d’aujourd’hui, épreuves pour la foi. Comment accueillir le discours sur la toute-puissance face la réalité du quotidien et face à la souffrance ? Il nous faut approfondir le sens à donner à cette expression.

Ce qui gêne le plus certains de nos contemporains, selon Maurice Bellet, c’est l’impression que la toute-puissance de Dieu s’exerce contre l’homme. Dieu serait jaloux du plaisir de l’homme, de son épanouissement. Dans le fond, l’homme n’aurait le droit de participer à la gloire de Dieu que s’il est parfaitement obéissant et respectueux de toutes les prescriptions liturgiques, morales, ecclésiastiques et autres. Comme si Dieu n’aimait l’homme qu’à condition qu’il soit à la hauteur de ses attentes. Attentes qui apparaissent pour certains comme des formes d’aliénation, de non-respect de la liberté. Ils s’exclament : « Si se diviniser, c’est se déshumaniser, cela ne nous intéresse pas. » Or, le chemin de la spiritualité chrétienne est un chemin de divinisation et non de déshumanisation. Cette expression est chère à la tradition orthodoxe qui préfère mettre l’accent sur la transfiguration de l’homme plutôt que sur son rachat.

À partir de cette vision chrétienne positive de l’homme, il nous faut entendre le cri des personnes en souffrance, plutôt que de répondre trop rapidement qu’elles n’ont rien compris à notre foi. Il est plus important de nous interroger sur les raisons pour lesquelles certains, et ils sont nombreux, gardent une vision si négative du christianisme alors que l’Évangile nous enseigne l’inverse de ce qu’ils pensent souvent.

Nous pourrions aussi faire attention à la façon de parler de la perfection, comme nous l’avons déjà vu, car on entend parfois : votre spiritualité de la perfection finit par faire de vous soit des hypocrites, soit des êtres inhumains (avec votre intolérance, votre intransigeance, vos culpabilités...). Ceux qui adressent ces remarques ont aussi l’impression que l’Église fonctionne selon une attitude qui ne connaîtrait pas d’alternative : « On est dedans ou on est dehors », et, quant à la foi, ce serait « tout ou rien ». Alors que beaucoup de nos contemporains, y compris des chrétiens, se sentent plutôt en chemin. Des personnes en recherche se demandent même si elles peuvent être accueillies avec une foi balbutiante, teintée d’incroyance. Elles sont certes dans l’Église, ou du moins attirées par elle, comme les « recommençant à croire », mais se sentent parfois plutôt à la marge, sur le seuil. Bien sûr, elles aimeraient assumer tout le Credo, mais elles ont des difficultés à adhérer à telle ou telle affirmation, particulièrement quand elles sont confrontées à la souffrance.

De Bernard Ugeux, Extrait de "traverser nos fragilités"

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