Une spiritualité diaconale de la relation d’aide

Par définition, une relation d’aide, qu’elle soit caritative, spirituelle, thérapeutique ou pastorale, est une relation qui s’inscrit dans le temps, mais un temps donné. En effet l’objectif de cette relation est que la personne aidée n’ait plus besoin de cette aide… et puisse par elle-même, ou en s’appuyant sur un tiers, poursuivre sa route plus librement et avec plus d’assurance.

Une spiritualité diaconale de la relation d’aide

Le diacre est constamment sollicité de façon explicite ou implicite par des demandes de relation d’aide : conseils, secours, écoute, accompagnements, tâches à accomplir, responsabilités à prendre etc…

Par définition, une relation d’aide, qu’elle soit caritative, spirituelle, thérapeutique ou pastorale, est une relation qui s’inscrit dans le temps, mais un temps donné. En effet l’objectif de cette relation est que la personne aidée n’ait plus besoin de cette aide… et puisse par elle-même, ou en s’appuyant sur un tiers, poursuivre sa route plus librement et avec plus d’assurance. Une relation d’aide qui devient une relation de dépendance n’est plus une relation d’aide : Le diacre sait bien que servir ne signifie pas « asservir » que ce soit par la bienfaisance, les bonnes intentions, ou même la guidance spirituelle !

En méditant l’écriture sainte, il peut trouver quelques conseils bien à propos pour se forger une spiritualité diaconale de la relation d’aide.

Rester attentif au cri du pauvre qui peut devenir « Parole de Dieu » pour refonder les liens de la communauté

Dans l’évangile selon St Marc (chap. 10, 46-52), l’histoire de Bartimée, l’aveugle qui mendie au bord du chemin et qui crie « Jésus, fils de David, aies pitié de moi », est un bel enseignement. Les disciples accaparent Jésus et veulent faire taire Bartimée. La communauté ecclésiale est ainsi campée dans sa capacité à exclure et à rejeter les pauvres, au nom même de sa priorité à écouter le Seigneur. St Marc, nous dévoile, non sans humour, qu’en fait, les propos échangés par les disciples à ce moment là sont surtout des débats internes sur des problèmes de présence dans le groupe, de premières places revendiquées (cf. 10 35-45). Et c’est pour régler entre eux, avec Jésus, ces questions de concurrence fraternelle que les disciples veulent faire taire Bartimée ! Le Seigneur saisit l’occasion du cri du pauvre pour décentrer les disciples de leurs calculs futiles : « Appelez-le ! » (10, 49). Le miracle alors se produit : ceux qui étaient les champions de l’exclusion et du rejet deviennent les chantres de l’accueil et de la relation d’aide « Confiance ! Lève toi. Il t’appelle ! » ; … et quand Bartimée demande au Seigneur « que je voie », on comprend bien qu’il le demande pour lui-même, mais aussi pour toute la communauté de croyants qu’il a désormais intégrée !

Ce passage d’évangile nous rappelle que la relation d’aide est d’abord une question de discernement, un discernement qui n’est souvent efficient que si nous consentons à nous laisser décentrer, notamment par la parole des pauvres. Le diacre sait bien que celui qui « aide » est aussi celui qui « est aidé » ; l’église, est une réalité mystérieuse, qui à la fois peut faire obstacle à la relation d’aide… mais qui en même temps, en prenant conscience humblement de ses limites, peut être l’espace où résonne l’invitation « Confiance, lève toi, il t’appelle ! »

Consentir à monter dans le char de l’autre

Au chapitre 8, 26 à 100, le livre des Actes des Apôtres nous raconte la relation d’aide du diacre Philippe, adepte du char stop, avec un éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace. Le diacre s’y révèle comme celui accompagne un homme en recherche dans sa quête de la vérité, confronté à l’énigme de la souffrance et de la mort de l’innocent.

La relation d’aide exige de monter dans le char de l’autre, d’écouter ses questions, de partir de là où il en est ! Monter dans le char de l’autre, c’est consentir à ne pas tenir soi-même les rênes de la relation et du cheminement : c’est différent de vouloir le faire monter dans « mon char », avec ma logique, mon raisonnement, ma culture et mon expression de foi.

Le diacre rappelle que « la relation d’aide » s’inscrit dans la logique du salut, apporté par Jésus. « Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu »… mais s’est fait serviteur… ! Il est monté dans le char de l’humanité, laissant aux publicains et aux pêcheurs la responsabilité de tenir les rênes ! La relation d’aide est celle qui permet à l’autre de « se savoir écouté » au-delà des mots qu’il prononce… car celui qui aide n’est pas « en surplomb »… il est présent humblement aux côtés de celui qui a besoin de parler !

Passer de l’amour affectif à l’amour effectif

Au chapitre 10, 29 à 37, Saint Luc raconte la parabole dite du « bon samaritain » pour illustrer la réponse faite par Jésus au légiste qui l’interrogeait « Et qui est mon prochain ? » Le passage d’évangile est resté une référence pour illustrer la relation d’aide, et l’art de pratiquer la miséricorde en témoignant de la charité de Dieu à notre égard.

St Ambroise, père de l’église à Milan, au IVème siècle, invitait déjà le lecteur à méditer ce texte en considérant Jésus, comme le Samaritain, qui est intervenu dans notre histoire, pour nous ramasser sur le bord du chemin. En effet, qui d’entre nous ne s’est pas retrouvé comme roué de coups, accablé par les évènements douloureux de la vie (deuils, échecs, maladie, conflits…) ou par son propre péché ? Jésus, est passé dans nos vies, en faisant le bien, en nous prenant sur sa propre monture et en nous déposant à l’auberge, son église, jusqu’à son retour. C’est parce que nous avons bénéficié de sa miséricorde, de sa bonté qui nous a remis sur pieds, en nous donnant un avant goût de la résurrection, qu’à notre tour nous pouvons, à sa suite, devenir les « samaritains » ou les « aubergistes » de nos frères, qui sollicitent implicitement une relation d’aide !

L’évangile de Saint Luc nous donne avec précisions quelques conseils éclairés pour vivre une relation d’aide efficiente à l’exemple du samaritain :

  • « Il arriva près de lui, le vit et fut touché de compassion » : C’est la première condition de la relation d’aide : se faire proche, être attentif, voir concrètement le drame de la situation, et se laisser toucher par une expérience humaine qui pourrait être la nôtre.
  • Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le conduisit à l’hôtellerie et prit soin de lui »

Le samaritain ne se laisse pas submerger par son émotion et sa pitié. Il entre dans une démarche d’urgence et d’efficacité. En bandant ses plaies, il limite les dégâts et mise sur une guérison possible. Il n’entretient pas la souffrance, mais veille à la soulager. Les ingrédients qu’il utilise sont tout à fait symboliques pour la relation d’aide : l’huile détend et le vin fortifie. Saint Luc nous donne ainsi un critère d’évaluation pour nos relations d’aide. Est-ce que ma manière d’aider l’autre le détend et le fortifie… ou au contraire ne contribue-t-elle pas à le crisper et à l’affaiblir ? C’est une question redoutable, que le diacre doit pourtant se poser en permanence dans sa pratique ministérielle.

Le texte d’évangile nous révèle que le samaritain paye de sa personne (« il prend l’homme blessé sur sa propre monture ») et partage son bien !... mais il sait aussi « passer le relais » et le confier à quelqu’un de plus compétent que lui « l’aubergiste ». La relation d’aide ne devient efficiente que lorsque nous avons « passer les relais », « trianguler la relation » pour ne pas nous enfermer dans une relation « duelle », en laissant croire à l’autre que nous sommes « sa providence », que nous pouvons être tout pour lui !

Le samaritain est vraiment un bel exemple de la relation d’aide, « un vrai paragdime de la miséricorde » comme diraient les savants : « Il se fait proche, il agit, il intervient, pose les actes et les gestes appropriés… et passe les relais à temps, sans se débarrasser du problème : il continue de prendre soin, il donne de l’argent de sa propre poche pour financer le passage de relais, et s’engage à revenir pour évaluer la situation et faire le point » : cette relation d’aide s’inscrit dans le temps et dans l’espace, elle crée des liens, éveille des responsabilités, travaille en équipe, reste anonyme, ne recherche pas la gloriole, et veille à ce que chacun retrouve sa place dans la société. C’est sûrement pour cela que les plus grands témoins de la charité ont été impressionnés par ce texte. Saint Vincent de Paul le résumait en disant « c’est le passage de l’amour affectif à l’amour effectif », belle définition pour une relation d’aide assumée de façon collégiale !

En guise de conclusion

A l’heure où tant de professionnels et tant de psychothérapeutes de toutes origines proposent des conseils en tout genre pour vivre la relation d’aide, comment ne pas inviter les diacres à puiser dans les trésors de la « lectio divina », quelques « pépites » de la Bible qui leur permettraient de se forger une spiritualité diaconale de la relation d’aide. Toute l’écriture sainte leur rappellera combien cette démarche doit s’inscrire dans une « culture d’alliance » qui apprend à conjuguer la confiance, le réalisme, la bonté, la patience et la réciprocité… mais aussi dans un « processus de libération » qui invite à vivre des passages pour se libérer de l’esclavage, passer la mort (la mer ?), traverser le désert, accueillir la promesse, et apprendre à vivre ensemble sous le regard de Dieu. Cette relation d’aide ne peut s’accueillir pour un diacre qu’en ayant le regard de l’âme fixé sur l’attitude de Jésus lavant les pieds de Judas et de Pierre, une attitude d’abandon, d’espérance en l’autre, et de capacité à admirer chez celui qui est aidé la présence de celui qui fait « toutes choses nouvelles ! »

Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Celui qui ait accepté lui-même d’être aidé par un autre.

Nous sommes invités à être comme des « pierres de gué ». Quand on passe un torrent, il est toujours agréable et rassurant de pouvoir s’appuyer sur « des pierres de gué » qui vous permettent d’aller plus loin. Ainsi en est-il de notre vocation : être une présence sur laquelle, celui qui a peur d’être emporté par le torrent de la tristesse ou de la désespérance, puisse s’appuyer !

La diaconie de l’église devient ainsi l’art communautaire pour répondre à l’invitation de l’apôtre « Par amour, mettez-vous au service les uns des autres ».

Gilles Rebêche, diacre du Diocèse de Fréjus-Toulon

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