Accepter ses limites sans perdre l’espérance

C’est par l’expérience de la fragilité que nous prenons conscience que nous ne sommes que des créatures, que nous ne sommes pas Dieu.

Accepter ses limites sans perdre l’espérance

Si la souffrance n’a pas de sens en soi, l’expérience de la fragilité reste fondatrice en anthropologie chrétienne. C’est par l’expérience de la fragilité que nous prenons conscience que nous ne sommes que des créatures, que nous ne sommes pas Dieu. Cependant, nous sommes parfois tentés de prendre Sa place, de jouer au sauveur. En effet, nous ne nous engagerions pas à aider les autres si nous n’avions pas envie de les libérer de leur souffrance, ou tout au moins de les apaiser. Tentés par la toute-puissance, nous faisons cependant l’expérience de notre propre fragilité et, parfois, de notre impuissance à soulager. Alors, nous devons bien reconnaître que nous ne sommes pas Dieu. Simples créatures, nous sommes des êtres en devenir, habités par des espaces de fragilité qui sont différents selon les âges, de la vie. La première fragilité est celle du nourrisson, déjà précédée par celle de l’embryon, du fœtus.

Dans certaines spiritualités orientales, il est question de devenir des êtres « réalisés », c’est-à-dire libérés... Cet objectif n’est pas comparable au souci d’épanouissement des Occidentaux. Il conduit à renoncer à l’ego et au désir d’être quelqu’un, car tout est apparence et illusion. De même, pour le chrétien, s’épanouir ne signifie pas arriver à dépasser toute fragilité. Il s’agit d’accueillir et de traverser la fragilité plutôt que de la conquérir ou de la vaincre. La logique contemporaine irait plutôt dans le sens du combat contre toute fragilité afin de devenir invulnérable. Cela aussi est illusion. Certes, il nous faut utiliser les soins qui peuvent nous aider à mieux vivre et, parfois, à nous libérer de certaines fragilités précises. Mais vouloir se libérer de toute forme de fragilité, c’est rêver de toute-puissance ou, tout au moins, d’une perfection illusoire.

À certaines époques de l’histoire de l’Église, comme au temps du jansénisme, de nombreux dégâts ont découlé de la confusion entre sainteté et perfection. Nous n’avons pas à être parfaits, sans défauts, irréprochables. Lorsque Jésus dit : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 1 » (Matthieu 5, 48), il parle de la perfection de l’amour, de la miséricorde. Nous ne sommes pas parfaits, nous ne serons jamais parfaits, même si nous sommes invités à aimer toujours mieux. C’est dans la mesure où nous avons été blessés, « vulnérabilisés », que nous sommes capables de rejoindre les personnes souffrantes. Alors n’essayons pas d’être parfaits, de tout contrôler, de devenir invulnérables. Sauf à devenir parfaitement insupportables pour notre entourage. Etre saint, c’est accepter d’être fragile, consentir aux limites de son corps, de son affectivité, de son psychisme tout en continuant à aimer et à se laisser aimer. C’est se reconnaître pécheur, et pouvoir alors parcourir un chemin de conversion. Parce que nous appartenons à l’espace, au temps, nous sommes soumis à la tentation, à l’usure de nos ressources et de nos bonnes résolutions, jouissant, selon les époques de la vie, de plus ou moins d’équilibre et de force.

Cependant, nous savons aussi que lorsque la souffrance du corps devient trop lourde à porter, le sujet que nous sommes risque de disparaître. Plus nous faisons l’expérience du vieillissement, de la maladie, du handicap, plus il est difficile d’être reconnu comme un sujet autonome, d’être respecté comme une personne à part entière. Le danger pour notre entourage, c’est de ne plus nous voir comme un sujet, mais plutôt comme un objet de soin plus ou moins encombrant. Jusqu’à se dire : il faut arrêter de s’occuper de ce corps, de le laisser souffrir... en oubliant peut-être qu’il est encore et toujours une personne humaine.

Quand le corps devient trop encombrant, le sujet risque de disparaître aux yeux des autres. Aujourd’hui, nous sommes obsédés par la beauté et la santé, nous perdons de vue la dimension de sainteté, que l’on ne peut confondre avec la santé. Un trop grand souci pour la santé peut devenir un obstacle à un chemin de sainteté. Alors, le sujet disparaît parce que refusé avec sa fragilité. Il faut trouver une juste attitude à propos de cette pression de notre culture contemporaine. Je ne dis pas que les chrétiens n’ont pas à s’occuper de beauté, de santé, mais il leur faut toujours garder une liberté intérieure et un discernement dans ce domaine, comme dans les autres.

Un autre aspect de notre fragilité fondatrice rejoint l’expérience selon laquelle nous sommes tous, à des degrés divers, marqués par le péché. Certains chrétiens ont pu enseigner que la souffrance était la punition du péché. Non, c’est une conséquence de notre éloignement de Dieu, non une punition de sa part. Dieu n’est pas à l’origine de la souffrance. Jamais, dans le Nouveau Testament, il ne se présente comme un Dieu vengeur. Il ne se réjouit pas de nous voir souffrir, il ne veut pas la mort du pécheur (Luc 15, 10). Le monde dans lequel nous sommes nés est un monde blessé par le péché, et c’est ce que veut exprimer l’expression « péché originel ». Or, très tôt, nous passons de l’état de victime à celui de complice, à cause du mauvais usage de notre liberté. S’il y a un rapport entre la souffrance et le péché, c’est parce que, chaque fois que nous manquons d’amour, nous pratiquons le péché, nous blessons l’autre, et donc aussi notre Dieu, qui s’est identifié aux plus petits d’entre nous. Il ne faut pas prendre la souffrance pour une punition du péché. Cependant, la souffrance de l’autre est parfois la conséquence de notre péché, puisque nous lui avons infligé des blessures. Il y a aussi la souffrance morale que nous nous infligeons à nous-même, lorsque nous découvrons à quel point nous pouvons faire mal à l’autre. Cela aussi fait partie de l’expérience de la fragilité.

De Bernard Ugeux, extrait de « traverser nos fragilités »

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