Dieu guérit-il encore aujourd’hui ?

Jésus nous rejoint dans toutes nos dimensions. La guérison ne dispense pas de toute fragilité. Prier pour la guérison suppose un vrai discernement...

Dieu guérit-il encore aujourd’hui ?

La question de la guérison peut devenir lancinante quand on souffre moralement, psychiquement ou physiquement, surtout quand la médecine n’arrive pas à soulager la douleur. On est alors tenté de chercher à guérir à tout prix 1, que ce soit par une sorte de chantage avec Dieu, par des démarches plus ou moins magiques, ou encore par l’usage non discerné de thérapies parallèles qui n’ont pas encore fait leurs preuves. Où situer alors les guérisons apportées par le Christ que nous sommes invités à demander ? Parce que le Christ est amour et que son Esprit-Saint est toujours à l’œuvre, une prière n’est jamais sans effet. La difficulté est parfois de discerner ce que nous pouvons demander et comment il y répond. Son action est souvent discrète — même s’il existe aussi des miracles visibles. A nos yeux, il paraît souvent trop lointain ou silencieux. Comment poser un regard de foi sur ce qui semble souvent relever de l’invisible ; garder l’espérance ?

Nous avons déjà commencé à interroger l’Écriture et l’expérience spirituelle des chrétiens. Nous avons vu qu’il y a eu un choix explicite de la part de Jésus pour les plus fragiles et les plus vulnérables. Cela lui a valu sa propre exclusion et son élimination. Lui qui disait : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir » (Luc 5, 31-32). À la question : Dieu guérit-il encore aujourd’hui ?, plusieurs réponses semblent possibles qui ne font pas toujours l’unanimité. Il faut aussi préciser ce que l’on entend par guérison. Certains diront que la réponse est évidente : « Oui, Dieu guérit aujourd’hui, il suffit de regarder autour de soi, il y a plein de signes, de miracles, et celui qui est capable de voir, les voit. » D’autres, de façon aussi péremptoire, répondront : « Non, Dieu laisse faire le mal, il est impuissant, il a laissé faire Auschwitz, le Rwanda, le Kosovo, où était-il durant ces drames ? » D’autres encore diront : « Non, ceux qui voient ou cherchent des guérisons se trompent, ils ont une conception magique, utilitaire de la religion, il faut se méfier des gens qui veulent guérir ou des groupes qui disent guérir. » Pour certains, « les guérisons, c’était pour le temps du Christ, puis celui des Actes des apôtres. Les communautés avaient besoin d’une intervention spéciale de l’Esprit-Saint au début de l’histoire de l’Église, mais maintenant tout cela est terminé, vivons notre quotidien, et ne cherchons pas autre chose ailleurs ».

Cette dernière réponse est cependant en contradiction avec l’enseignement du concile Vatican II. Un important débat a eu lieu à ce propos parmi les théologiens et les évêques, qui ont fini par conclure à l’actualité des charismes — dont le charisme de guérison — pour édifier l’Église en tout temps — et particulièrement en temps de crise comme aujourd’hui, pourrait-on ajouter.

Jésus nous rejoint dans toutes nos dimensions

Cependant, nous pouvons donner une première raison à l’actualité des guérisons : Jésus en a réalisé de son temps et nous a dit de poser à notre tour les gestes qu’il a réalisés vis-à-vis des exclus et des malades. Les paroles : « Faites cela en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11, 24) renvoient non seulement au rituel de l’eucharistie, mais aussi au lavement des pieds, au don de sa propre vie jusqu’au bout. A l’Ascension, Jésus a également dit : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Matthieu 28, 18), avant d’envoyer ses apôtres poursuivre ce qu’il avait commencé. Ils l’avaient eux-mêmes déjà expérimenté lors de leur « stage pastoral » quand ils furent envoyés par lui deux par deux (Marc 6, 7).

Nous l’avons vu, ce n’est pas uniquement sur la guérison spirituelle que Jésus a mis l’accent. Quand le Christ guérit, c’est toujours en rapport avec le Royaume de Dieu. C’est pour donner un signe clair que dans sa personne commence le Règne, une ère nouvelle où tout sera renouvelé, où tout deviendra possible autrement, pour qui lui fera confiance. Les guérisons et les autres gestes miraculeux ont donc toujours été reliés à l’amour et à l’annonce de la Bonne Nouvelle, et donc à l’irruption de ce règne de l’amour. Jésus guérit physiquement et chasse les démons pour manifester la victoire de l’amour sur le mal. Il apporte un salut qui concerne la personne dans toutes ses dimensions : corps, âme, esprit.

Dans l’histoire de l’Église, la tentation de désincarner le salut s’est fait jour à certaines époques que nous avons déjà évoquées. Bien que notre Dieu se soit défini comme l’amour, un amour qui a pris un corps humain, parfois, une réelle méfiance pour tout ce qui était de l’ordre des sentiments et du corps a régné. J’estime que c’était une infidélité à l’incarnation. Jésus a guéri physiquement et psychiquement pour nous révéler que le corps lui-même était concerné par le salut, car l’Esprit-Saint peut restaurer toute la personne, dans toutes ses dimensions. La conséquence est que vivre dans l’Esprit, ce n’est pas vivre désincarné. Certes, il faut mener un combat contre les passions, mais cela ne signifie pas ne plus vivre d’émotions, ignorer l’affectivité, l’opposer à la spiritualité. Un chemin de sainteté n’est pas un chemin de mutilation, ni de déshumanisation.

Certains reprochent cela aujourd’hui à l’Église catholique ou au christianisme en général, parfois sans doute de façon excessive. Des « chercheurs d’absolu » contemporains pensent qu’il n’y a pas moyen, dans le cadre de l’Église catholique, de vivre une quête spirituelle qui prenne en compte le corps, l’affectivité, la sexualité, la liberté, la singularité. Ils pensent que, de toute façon, il y aura une récupération dogmatique ou moralisatrice à un moment ou à un autre et qu’ils ne seront plus respectés dans leur liberté. Qu’en conclure à propos de notre discours et de notre comportement chrétiens, qui induisent ces jugements ?

Cela est traditionnel, on sait qu’une spiritualité se vit toujours dans une affectivité. Si la vie spirituelle chrétienne est une vie de relation, elle concerne l’affectivité autant que l’intelligence, les deux vont de pair. À un chrétien qui dirait : « Moins je ressens d’émotions, moins je m’occupe de mon affectivité, plus je suis spirituel », je réponds : « Casse-cou ! » Mais je le dis aussi à ceux qui s’imaginent que parce qu’ils ont vécu un jour une forte émotion, ils ont fait automatiquement une réelle expérience spirituelle. On ne peut pas s’engager sur un chemin spirituel sans investir dans un minimum de travail de connaissance de soi quant à sa vie affective, à ses fragilités, à ses capacités de croissance, sauf à s’imaginer une perfection qui n’a rien à voir avec la sainteté.

La vie dans l’Esprit-Saint peut dilater l’être aux dimensions d’un amour que nous devinons à peine, tellement il nous dépasse. Un amour qui comble, dès maintenant, sans éradiquer cependant nos faiblesses et nos limites. Nous savons que quelqu’un qui aime, qui se sait aimé, en est transfiguré, même physiquement. On s’attendrit sur le visage des amoureux, mais les chrétiens se laissent-ils aimer ? Leurs yeux sourient-ils ? Le salut qu’apporte Jésus vise « la joie imprenable » — titre d’un beau livre de la théologienne protestante Lytta Basset 2 — qui transfigure jusque dans les profondeurs.

La guérison ne dispense pas de toute fragilité

Pourtant, et ceci est important, Jésus n’a jamais identifié guérison et salut. Il n’est pas d’abord venu pour réaliser des guérisons. D’autres personnes guérissaient de son temps. Il n’a jamais fait de la guérison la preuve du salut ou la condition de celui-ci, mais bien un signe du règne de Dieu. Les Évangiles rapportent de nombreux récits de miracles, mais Jésus n’a pas guéri tout le monde. Ensuite, il n’a pas promis une vie sans souffrance, lui qui disait à ses disciples que pour le suivre il fallait porter sa croix. Parce qu’il savait regarder la nature, il a dit : « Le grain qui veut porter du fruit, doit mourir » (Jean 12, 24).

Lui-même n’a pas cherché à éviter la souffrance. Comme nous l’avons vu plus haut, cela nous dérange. Dans le fond le plus archaïque de notre être, nous aimerions qu’un Dieu tout-puissant, invulnérable, intervienne efficacement dans tous nos soucis, résolve tous nos problèmes. Ce désir est issu d’une fragilité en nous, qui peut provenir de la nostalgie de la plénitude que nous avons connue à l’époque où nous étions dans le sein de notre mère. Il renvoie aussi à un manque primordial qui est bénéfique : créés à l’image et comme à la ressemblance de Dieu, nous gardons la soif de retrouver notre origine. Il relance sans cesse notre désir, mais nous pouvons nous fourvoyer à ce propos et chercher à tout prix à combler ce manque.

Ressuscité, vainqueur du mal et de la mort par l’amour, le Christ nous a ressuscités avec lui, mais sans nous dispenser de passer, chacun d’entre nous, par un chemin semblable au sien, c’est-à-dire un chemin à la fois de plénitude et de béance, de fragilité et de fécondité, une pâque. Or, s’il nous rappelle qu’il n’est pas possible de porter du fruit sans souffrir, il n’a jamais glorifié la souffrance pour elle-même. Il n’a jamais dit que la souffrance était bonne, ni qu’elle faisait partie d’une soi-disant pédagogie divine. Il a reconnu qu’elle était inévitable, et il a montré qu’à certaines conditions, elle pouvait être féconde, que, vécue avec lui, elle pouvait porter du fruit.

Dieu n’a pas sacralisé la souffrance, et, en Jésus-Christ, il a lui-même expérimenté les conséquences de la souffrance sur le psychisme et sur le corps, par exemple dans l’angoisse que celui-ci a vécue à Gethsémani, ou dans son expérience de l’abandon sur la croix. Jésus n’a jamais prononcé de discours sur la souffrance. Il a posé des gestes de compassion, de proximité, d’accueil. Soulager était pour lui un impératif moral qui devrait aussi nous mouvoir devant la fragilité de l’autre.

Ainsi, durant sa Passion, Jésus n’a pas sauvé l’humanité en fonction de la quantité de souffrance vécue alors, mais d’abord grâce à la qualité d’un amour qui est allé jusqu’à la déchirure, jusqu’au pardon, et au pardon des assassins. Il faut donc être prudent quand nous parlons de la « fécondité de la souffrance ». Il faut toujours en parler à la première personne. Si nous pouvons en témoigner pour nous-même, parce que nous en avons fait l’expérience, faisons-le humblement pour l’édification de tous. Mais ne moralisons pas les autres. Parce que chacun est unique dans sa façon de souffrir. Certains bons croyants sont allés jusqu’à la révolte et au rejet de Dieu. Accompagnons ceux qui souffrent de notre tendresse, au nom du Seigneur. Ils comprendront ce qu’ils pourront de ce qui leur sera donné à travers cet amour qui ne vient pas de nous. Là, le silence et la simple présence sont souvent les plus éloquents.

Revient la question : « Dieu guérit-il encore aujourd’hui ? » N’oublions pas : Dieu crée sans cesse. Il donne la vie, à chaque instant, et nous pouvons croire que tout processus de guérison est aussi un acte de création, autant que de compassion. Dieu aime sans cesse, parce que tout acte créateur est un acte d’amour et parce qu’Il n’est qu’amour. Si Dieu cessait un instant de nous aimer, nous cesserions d’exister. En saint Jean, nous lisons : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi je suis à l’œuvre » (5, 17). Dieu ne s’est pas retiré du monde après la Création, pour abandonner l’homme à lui-même et le laisser se débrouiller avec sa liberté. Dans l’acte même de créer, s’annonçait l’acte de sauver. Dieu savait qu’en nous créant libres, à son image et à sa ressemblance mais avec cette liberté fragile de choisir entre le bien et le mal, de Le refuser, il Lui faudrait nous rejoindre pour nous apprendre à aimer. Il a voulu nous libérer des conséquences de nos mauvais choix, grâce au repentir. Cela, il l’a fait en Jésus-Christ. Quand le Christ dit que Lui et son Père sont à l’œuvre, c’est bien une façon de dire que l’Esprit-Saint agit sans cesse dans le monde et dans l’humanité, et que sa puissance est imprévisible une fois qu’on lui libère l’espace pour agir. Cela dépend aussi de nous !

Alors, comment Dieu guérit-il ? Qu’entendons-nous donc par « guérir » ? S’il est question de recouvrir la santé, on ne peut nier que certaines personnes la recouvrent. Tout d’abord, grâce à la compétence et au dévouement des soignants, des professionnels de santé, des visiteurs, des familles. Ceux qui apportent les soins, l’intelligence, l’amour, sont aussi des dons de l’Esprit. Certaines guérisons sont aussi données en et par l’Église dans les sacrements, par l’intercession de la communauté chrétienne, dans des lieux de pèlerinage, des groupes de prière, des chaînes d’intercession. Dieu guérit plus souvent qu’on ne le pense, mais il est souvent pudique, que la guérison soit scientifiquement démontrable ou non.

Prier pour la guérison suppose un vrai discernement

Il ne faut cependant pas crier au miracle ou à la grâce de guérison sans discernement. Si les fruits de la vie de la personne montrent qu’effectivement le Seigneur a été à l’œuvre, il y a là un signe important. Dans ce cas, on peut considérer l’amélioration ou la guérison comme un don gratuit de la compassion de Dieu. « Don gratuit » se traduit par « grâce » en latin ou par « charisme » en grec. C’est pourquoi les grâces et les charismes sont donnés sans cesse, signes que Dieu agit maintenant.

Il existe une nouvelle approche de la guérison aujourd’hui. Tout d’abord, les progrès de la psychanalyse, de la psychosomatique, les recherches en ethnomédecine, etc., ont amené les médecins eux-mêmes à ne plus être si sûrs des causes d’une guérison. Par une approche plus globale de la personne — que l’on emploie ou non l’expression holistique pour désigner une médecine qui traite de l’intégralité de la personne —, on a découvert que les causes des maladies et des guérisons étaient infiniment plus complexes que l’attaque d’un virus ou l’efficacité de la molécule d’un médicament. On connaît l’effet placebo qui optimise un traitement par la qualité de la relation thérapeutique, grâce à un contexte de soin favorable, bref, tout ce qui sollicite positivement les capacités naturelles d’auto-guérison de l’organisme. Si bien que les médecins eux-mêmes sont beaucoup plus prudents, et dans le diagnostic, et dans la définition de la guérison, et dans les étiologies (la science des causes des maladies).

Aujourd’hui, dans l’Église, on reconnaît plus volontiers que certaines améliorations et guérisons sont véritablement des dons de Dieu pour la communauté, même s’il y a des explications naturelles possibles. Le risque, c’est de nommer « miracle » n’importe quelle amélioration et de ne pas suffisamment vérifier l’authenticité de la guérison. Cela touche ici au discernement, qui doit être réalisé par des personnes ayant la charge de déclarer s’il y a eu une grâce de guérison. Ceux qui prennent la (grave) responsabilité d’organiser des groupes des prières proposant des démarches de guérison ont le devoir de se former sur les plans spirituel, théologique, psychologique et, éventuellement, de se faire conseiller médicalement lorsque c’est nécessaire, pour ne pas tomber dans l’illusion. Dans cette perspective, au sein des communautés chrétiennes qui essayent de vivre l’amour fraternel, la prière, la foi, la confiance dans le Père, certains « miracles » sont donnés qui sont des fruits de l’amour. Ce sont aussi tous ces petits signes qui font dire : « Le Seigneur a agi. » On s’en émerveille, et on rend grâce. On n’a pas forcément besoin d’une déclaration patentée de l’évêque du lieu pour s’en émerveiller dans la foi.

Maintenant, il faut être prudent par rapport aux personnes qui vivraient une maladie grave — surtout une maladie chronique ou psychiatrique — avant de déclarer qu’il y a guérison. Une responsabilité de vérification et d’accompagnement s’ensuit. Il est aussi important de suivre les personnes qui ont vécu une guérison que celles qui n’ont pas obtenu ce qu’elles ont demandé. Dans les deux cas, il est nécessaire de situer cet événement dans l’ensemble de la vie de la personne, en lien avec l’Église, sous le regard de Dieu.

On note, que ce soit Lourdes ou dans le cadre du Renouveau charismatique ou dans d’autres démarches de prière, qu’il y a beaucoup plus de guérisons intérieures que de guérisons physiques ou psychiques. Or, comme ce sont souvent des réalités que l’on ne peut pas constater aisément, elles sont plus difficiles à répertorier. Nous savons que des guérisons intérieures peuvent avoir des répercussions psychiques et physiques. Étant donnée l’interaction constante entre l’organique, le psychique et le spirituel, il n’est pas toujours possible de préciser ce qui est cause et ce qui est effet. Dans certains groupes chrétiens, on insiste beaucoup aujourd’hui sur la guérison de la mémoire. Les chercheurs et les soignants travaillent aussi sur la mémoire, que ce soit dans le domaine de la psychosomatique ou, en micro-kinésie, en kinésiologie, à propos de la mémoire du corps et du psychisme. Bref, on constate des guérisons psychologiques et physiques dont les effets sur le chemin intérieur sont des critères d’authenticité. On juge l’arbre à ses fruits.

Mais ce n’est pas cela qui importe en premier, même s’il faut oser demander ces grâces puisque le Seigneur a dit : « Frappez et on vous ouvrira » (Matthieu 7, 7). Le plus important, dans une démarche chrétienne, n’est pas d’abord la guérison. Ce n’est pas non plus en premier lieu la libération du péché, mais c’est l’accueil de la relation filiale avec le Père. On a beaucoup parlé du péché dans le christianisme — qui est certes une réalité importante à ne pas éluder ! —, mais parfois trop maladroitement. Au point que des gens qui se sont exagérément culpabilisés ont claqué la porte de l’Église. Ils avaient l’impression d’être jugés pour des difficultés dont ils avaient conscience qu’elles ne dépendaient pas totalement de leur volonté. Je pense ici à ce qui concerne la compulsion, c’est-à-dire une pulsion qu’une personne n’a actuellement pas les moyens de maîtriser complètement. Sa responsabilité morale n’est pas engagée puisqu’elle n’est pas libre de la contrôler, même si elle a la responsabilité d’en vérifier les effets sur les autres. Nous savons comment les péchés par rapport à la sexualité ont pu être stigmatisés de façon obsessionnelle à certaines périodes de l’Église, qui ne sont peut-être pas si lointaines. Aujourd’hui, pointe parfois le risque de l’effet inverse : un laxisme et un égocentrisme pernicieux.

Certains se demandent si Dieu guérit ailleurs que chez les chrétiens. Saint Jean écrit : « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu » (1 Jean 4, 7). Dans tout acte d’amour, de tendresse, de compassion posé par une personne, de quelque religion qu’elle soit, du point de vue de la foi chrétienne, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre, d’une façon mystérieuse. Parce que créé à l’image et à la ressemblance de Dieu qui n’est qu’amour, chaque fois que quelqu’un pose un geste d’amour, il permet à Dieu d’être Dieu. Même si celui qui pose cet acte d’amour n’en est pas conscient et ne le connaît pas. Cela aussi est de l’ordre du mystère de l’amour. Pour un chrétien, Dieu est à l’œuvre chez un soignant athée qui fait consciencieusement son travail et qui aime ses malades.

D’autres se demandent alors si le thérapeute a besoin de Dieu pour guérir, et inversement. La tradition médicale dit : « Le médecin soigne, mais c’est Dieu qui guérit » (Ambroise Paré). Ce n’est pas le thérapeute qui guérit. C’est pourquoi on parle habituellement de soignant, et non de guérisseur. Si c’est Dieu qui guérit, ceux qui ont un charisme dit « de guérison » ne doivent pas l’oublier non plus. En étudiant les autres religions, on découvre aussi d’autres médecines. J’aime l’exemple du médecin tibétain, qui est souvent un moine, et j’apprécie toutes les conditions qu’il doit remplir avant de soigner. Il est invité à la sérénité, à la compassion, à la justesse par rapport à lui-même, à la communion dans le dharma, qui est l’ordre du monde, avec la sangha, sa communauté, et avec le Bouddha, le Médecin par excellence. Dès le matin, il se met en quête de ces trois « joyaux » avant de recevoir le premier patient. Un médecin tibétain qui est conforme à la tradition n’acceptera jamais de recevoir un patient sans avoir pris un long temps de méditation pour se mettre en contact avec son être profond 3. Cela est déjà un don de l’Esprit, une semence du Verbe, une valeur du Royaume, d’après Vatican II.

Je dirais donc qu’effectivement le thérapeute a besoin de Dieu, dans le sens où il a besoin d’aller puiser aux sources les plus profondes de ses capacités de compassion pour pouvoir accueillir un patient dans la justesse. Certains médecins chrétiens agissent de même. Quant aux authentiques guérisseurs traditionnels africains, ils se mettent à leur façon en contact avec Dieu, via les esprits et les ancêtres, pour recevoir la force nécessaire à l’exercice de leur art, car ils sont conscients qu’elle ne vient pas d’eux.

Que Dieu ait besoin des thérapeutes, cela paraît donc évident. Il a confié ce monde à l’homme, il lui a donné l’intelligence à son image et à sa ressemblance. Il lui demande d’utiliser cette intelligence pour le soin des autres. Pour éviter d’entrer dans une relation de type magique avec lui, il lui a aussi confié la responsabilité d’inventorier les plantes, d’étudier le corps, d’apprendre à poser des diagnostics, de chercher des étiologies, et de se dévouer pour se soigner les uns les autres. L’histoire de la médecine — des médecines — fait aussi partie du projet d’amour de Dieu pour l’humanité.

Nous pouvons donc dire que Dieu guérit et sauve aujourd’hui comme auparavant, que nous avons à apprendre à discerner sa présence même dans l’absence de guérison visible. Le salut est une libération de la vie en l’homme qui a des effets dès maintenant, même s’il ne dispense aucun de nous de vivre un chemin pascal pour accueillir pleinement la vie, toujours offerte.

Il nous faut maintenant nous tourner vers le salut qu’apporte le Christ ressuscité. Le mot salut n’est pas plus à la mode ni compréhensible que celui de péché pour nombre de nos contemporains. C’est pourquoi ils estiment ne pas avoir besoin de sauveur, puisque l’idée de péché n’a pas de sens pour eux. Ils n’arrivent pas à relier leurs fautes ou leurs manques d’amour à une atteinte à l’amour de Dieu, dans lequel beaucoup ne croient plus. Cependant, en dehors de cela, le salut qu’apporte le Christ ne doit pas être pris pour une opération de sauvetage. Bien plus, son salut ne se limite pas à la libération des effets du péché. Il est la révélation de notre identité originelle : nous sommes les enfants bien-aimés d’un Père dont l’amour est inconditionnel.

De Bernard Ugeux, Extrait de « traverser nos fragilités », pages 97 et suivantes

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