Diaconie et Eucharistie

Vivre de l’Eucharistie c’est entrer dans une dynamique existentielle qui peut s’exprimer de multiples façons dans le partage, le service et le sens de la fête avec les pauvres.

Diaconie et Eucharistie

Un ami orthodoxe m’a fait un jour cette confidence : « L’important c’est d’arriver à vivre dans le quotidien les mots superbes de la liturgie ». Il m’a aidé à comprendre qu’une « vie eucharistique » ne pouvait pas se limiter à la célébration de la messe ou à des temps d’adoration. Vivre de l’Eucharistie c’est entrer dans une dynamique existentielle qui peut s’exprimer de multiples façons dans le partage, le service et le sens de la fête avec les pauvres.

Passer de la plainte à l’action de grâce

Dans l’existence, les raisons de se plaindre ne manquent pas : sur les autres bien sûr, mais aussi sur soi même, sur sa santé, sur la société, sur les médias, sur les dirigeants des nations, sur les jeunes, sur l’Église… et bien sûr, sur Dieu lui même. Certains sont persuadés que pour garder des relations il faut commencer par se plaindre pour attirer l’attention.

La célébration eucharistique n’ignore pas ce triste constat. Les textes de la Parole de Dieu essaient de nous hisser au dessus de l’écume de la plainte. La Bonne Nouvelle du Salut nous est donnée pour fortifier notre espérance.

A l’Offertoire, l’assemblée est invitée à élever son cœur, à le tourner vers le Seigneur et à lui rendre grâce. Le diacre, en retrait, contemple. Il a déposé sur l’autel l’offrande du monde, le pain et le vin qui peuvent concentrer toute la plainte de l’humanité, sa faim de justice et de paix, son effort difficile de transformation et de partage. Cette plainte déposée sur l’autel devient offrande pour la vie, pain pour la route, vin pour la fête. C’est dans ce passage communautaire de la plainte à l’action de grâce que le mystère de la foi se prépare et se manifeste.

Ce mystère rappelle combien « il est juste et bon » de considérer toute existence, fut-elle la plus défigurée, comme une histoire sainte d’action de grâce : il s’agit bien d’élever son cœur et de le tourner vers le Seigneur que de consentir à changer de mentalité pour relire dans une histoire de vie, non pas une succession d’échecs, d’erreurs et de mauvais pas, mais un témoignage d’endurance, de persévérance, d’hymne à la vie et à l’espérance.

Consentir au service des frères

Dans sa contemplation de l’Eucharistie, le diacre garde les yeux fixés sur le geste de Jésus qui « à l’heure où il devait passer de ce monde à son Père » (Jean 13) s’est levé de table et a lavé les pieds de ses disciples en les interrogeant « comprenez-vous ce que je viens de faire ? ». La logique diaconale de l’Eucharistie est d’abord focalisée sur ce geste du Jeudi Saint.

Le service humble et désintéressé devient l’offrande que le Christ fait de lui même dans sa mort et sa résurrection. La diaconie de l’Eglise trouve sa source dans cette attitude de Jésus, à genoux aux pieds de l’humanité. L’Eucharistie nous unit au Christ Serviteur, descendu aux enfers pour sauver tous les pêcheurs et rejoindre même ceux qui se croient abandonnés de Dieu.

L’Eucharistie se manifeste comme sacrement de la rencontre de l’autre. Elle ne pourrait jamais se résumer à la célébration d’une communion bien sympathique et conviviale entre personnes qui s’aiment bien. En effet, pour que la rencontre de l’autre soit un événement réussi, il nous faut vivre une sorte d’exode intérieur (pour sortir de nous mêmes, de nos peurs ou de nos à-priori), traverser la mer et le désert de l’épreuve, avant d’atteindre la terre promise de la fraternité. Cette réalité pascale de la rencontre de l’autre est d’autant plus réelle quand il s’agit d’avancer sur les terres de l’exclusion et de la misère. En effet, la fraternité se reçoit comme l’Eucharistie : dans le consentement à l’inouï, la reconnaissance de ses fautes, le parti pris pour la confiance, la disponibilité à rendre grâce.

Le diacre exprime le lien à tous les pauvres et les souffrants lorsqu’il élève en silence la coupe. Par ce geste, il rappelle que le Serviteur souffrant est plus que jamais serviteur quand il a les mains et les pieds cloués, impuissant et vulnérable. Il rejoint ainsi ceux qui boivent la coupe jusqu’à la lie à cause des malheurs, de l’exclusion, du mal, de la guerre, du deuil ou même du péché. En se taisant ostensiblement le diacre rappelle que pour consentir au service des frères, il faut d’abord consentir à être réellement présent à leurs côtés, parfois sans autre parole que cette « présence réelle » de fraternité. L’Eucharistie devient chemin de transformation personnelle et communautaire. Elle se fait partage de vie et se décline dans les différentes formes de solidarité humaine.

Se laisser inviter à la fête

L’Eucharistie est invitation au partage et à la fête, avec tous ceux qui seraient exclus des réjouissances, à cause de la façon dont ils sont accusés, ou dont ils s’accusent eux mêmes. Plusieurs textes de l’Évangile évoquent l’Eucharistie comme un repas de noces. Cette image de l’alliance est un programme de vie pour tout croyant. Préférer la culture d’alliance à celle du sectarisme et des jeux de pouvoirs, c’est entrer dans la logique de l’Esprit Saint, le défenseur de l’humanité : une logique de confiance, de réconciliation et de paix.

Dans la célébration eucharistique, l’Esprit Saint est invoqué à plusieurs reprises pour consacrer l’offrande du peuple rassemblé pour la prière. Faire de sa vie, une vie eucharistique c’est garder un regard bienveillant sur l’Église et sur l’humanité, appelées à être consacrés en corps mystique du Christ.

C’est bien pour cela que le diacre est invité à être dans la liturgie et dans son engagement social « médiateur de paix », en invitant les chrétiens rassemblés à se tourner à la fois les uns vers les autres pour échanger un geste de paix, mais surtout à se disperser pour vivre « dans la paix du Christ » l’action de grâce célébrée ensemble.

Le diacre ne propose pas une paix à bon marché, une paix consensuelle pour éviter les conflits et les tensions. Il propose d’accueillir la paix reçue du Père, une paix qui est invitation à la fête pour tous ceux qui ne sont pas à la noce, à cause de l’exclusion, de la misère ou de leurs propres lâchetés et faiblesses. « Que les pauvres m’entendent et soient en fête »

Élargir l’espace du partage

Au cœur du rassemblement, le diacre a la passion d’élargir l’espace du partage en rappelant combien sont peu formelles les frontières de l’Église, à peine esquissées sur les lignes de fractures de la société. Elles ressemblent plus à des balises pour la marche qu’à des murailles pour protéger une forteresse assiégée.

Cet élargissement de l’espace du partage prend les couleurs de la prière universelle aux dimensions du monde et du cœur des blessés de la vie… Il prend aussi consistance dans la solidarité financière qui s’exprime dans la collecte communautaire.

Quand toute l’assemblée a communié au corps du Christ, le diacre prend soin des miettes de pain consacré qui restent. Ce soin donne écho au cri de la syro-phénicienne qui, dans l’Évangile de Marc, supplie Jésus d’ouvrir son salut à toutes les nations, en lui rappelant que « même les miettes qui tombent de la table » peuvent rejoindre tous les affamés de Dieu.

Le partage s’élargit à tous ceux qui sont contraints de se contenter des miettes du développement, de la prise de parole, de la reconnaissance sociale. Le respect dont témoigne le diacre pour ces parcelles de pain consacré est le même qu’il témoigne pour toutes ces parcelles d’existence émiettées dans les prisons, les squats, les mouroirs et tous les lieux d’exclusions.

C’est ce respect manifesté devant toute la communauté qui lui permet de la renvoyer, dans la diaspora de la mission, « Allez dans la paix du Christ ».

De Gilles Rebèche, diacre du diocèse de Fréjus-Toulon

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