La rencontre sur un fil

Je voudrais vous partager mes découvertes dans ce ministère de la visite aux malades à l’hôpital, sans que cela ne soit qu’un témoignage, mais vous partager plutôt certains accents qui me semblent importants à souligner aujourd’hui, précisément en ce jour où nous accueillons nos frères âgés ou malades dans notre assemblée dominicale.

La rencontre sur un fil

Aujourd’hui, l’évangile nous place dans la mission des apôtres, celle de toute l’Église. Vous avez remarqué, comme moi, cette insistance sur les malades, sur certaines maladies, comme la lèpre, comme la fatigue, la langueur (les maladies psychologiques pourrions-nous dire) et puis le terme générique de maladie lui-même pour signifier que cet envoi en mission ne concerne pas une certaine catégorie de pathologies, mais, en fait, tous les malades. La visite aux malades fait partie de la mission de l’Église et quelque chose nous échappe du mystère de la mission de l’Église (mais aussi de Dieu et de l’homme) si on ignore les malades et la proximité avec eux. Contrairement à Lagardère où "si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi", si nous n’allons pas vers les malades, ils ne viendront pas à nous. C’est tout le sens de cet envoi en mission. Je voudrais vous partager mes découvertes dans ce ministère de la visite aux malades à l’hôpital, sans que cela ne soit qu’un témoignage, mais vous partager plutôt certains accents qui me semblent importants à souligner aujourd’hui, précisément en ce jour où nous accueillons nos frères âgés ou malades dans notre assemblée dominicale. La journée des malades, dans une paroisse, n’est pas une « démangeaison annuelle » car, toute l’année, aussi bien à l’eucharistie, qu’aux vêpres et à d’autres offices, nous prions pour les malades. Je suis sûr qu’à chaque messe il y a, au moins, une intention pour un de nos frères ou une de nos sœurs malades.

Ce matin, je voudrais donc vous parler de trois choses : la première, c’est le lien des malades au temps ; la seconde, la parole à dire et enfin, la troisième, concerne le geste à poser.

Il me semble que nos frères et sœurs malades vivent un rapport au temps différent du nôtre. Pourquoi ? Parce que la maladie, en les empêchant de circuler, d’avoir une activité, de se déplacer, concentre le temps, le ramasse dans une autre dimension que la nôtre.

Les malades ont un rapport très étroit avec le temps qui passe. En fait, ils sont liés, par la maladie, à une pendule qui ne bat pas au même rythme que nous. Et nous, quand on vient voir un malade, il faut passer souvent d’une grande activité à une prise de conscience de ce qui est en train de se vivre dans ce nœud qui se tisse entre une personne et le temps qu’elle vit. Il y a toujours un décalage et je l’ai souvent remarqué. Alors, nous devons nous inscrire dans cette durée qui n’est pas forcément la nôtre, et c’est extrêmement difficile parfois.

Que dire au malade ? Il ne s’agit pas de raconter ses propres malheurs. Ne riez pas, j’ai entendu des personnes visiter des malades et raconter leurs épreuves ou celles de leur famille. J’appelle cela un manque de savoir-vivre ! Nous ne sommes pas là pour dire que nous souffrons plus ou moins que la personne en face de nous, mais nous sommes venus pour compatir, et c’est très différent. Ainsi, se replier sur ce qui nous arrive bloque notre cœur et nous empêche de mettre en oeuvre une attitude de compassion. Ensuite, il ne s’agit pas d’avoir un discours sur la souffrance. Le Christ lui-même n’est pas venu expliquer la souffrance. Le Christ n’est même pas venu la détruire, mais Il est venu souffrir avec nous. Il n’est pas venu détruire la croix, Il est venu s’étendre dessus écrit Claudel. Il ne s’agit donc pas de raconter ses malheurs ou de faire des considérations sur la souffrance, c’est déplacé. A l’inverse, il ne s’agit pas non plus de se taire, mais d’être là, simplement, en éveil, parlant avec les yeux ou posant un geste attentif. Parlons au malade de ce qui se vit dehors, des événements qui bousculent ou agitent le monde. Leur monde s’est rétréci, non pas de leur faute, mais à cause de la maladie alors, ouvrez-les, dilatez leurs existences au vaste monde. Il ne s’agit pas, non plus, de jouer au médecin si on ne l’est pas, mais d’être profondément habité par la vie de la personne en face de nous. Au risque de vous choquer, nous ne visitons pas d’abord « Jésus », mais le malade lui-même. Il faut, avant de reconnaître Jésus dans le malade, le visiter en tant que personne. Reconnaissons la personne pour ce qu’elle est réellement, si nous voulons, un jour peut-être, avoir la chance d’y reconnaître le Christ. Il y a un préalable : la visite, c’est pour lui, pour elle. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » dit l’Evangile. Nous ne collectionnons pas des points pour le ciel. Dans nos visites, la gratuité a la première place car elle est le préalable à toute compassion. Nous ne sommes pas des mercenaires car nous ne travaillons pas pour une récompense.

Ensuite, quel geste poser ? La visite, la prière, la communion, l’onction des malades... Je préfère dire onction des malades que "sacrement" des malades, puisque la communion ou la réconciliation sont aussi des sacrements pour les malades. Le viatique, c’est-à-dire la communion quand la personne s’en va rejoindre son Seigneur, est proposé en fin de vie.

J’ouvre une parenthèse : pour le sacrement des malades, la famille prévient toujours le prêtre trop tard. Beaucoup ont des difficultés à s’arracher d’une manière de voir qui a prévalu durant des siècles, conception selon laquelle l’onction des malades (on l’appelle alors « extrême onction ») est réservée à l’ultime extrémité de la maladie.

Souvent, quand la personne est en fin de vie, la famille ne sait plus quoi faire. Alors, elle appelle le prêtre qui doit prendre, dans la précipitation, son petit vélo et foncer à l’hôpital. C’est dommage car nous aurions pu vivre ce sacrement, quelques jours avant, paisiblement, entourés de la famille, des amis, avec le malade dans sa conscience et, éventuellement, un soignant. Cela aurait complètement changé la réception de ce sacrement. Nous aurions vécu un petit moment de ciel, car ce sacrement peut réellement l’être quand il se vit paisiblement et pas dans l’urgence. _ La famille prévient toujours le prêtre trop tard car elle a peur en pensant : « Quand vient le prêtre, c’est la mort qui arrive ! » Au contraire, c’est la vie qui arrive.

Le Christ vient consoler, guérir et on réserve le sacrement à l’ultime extrémité, quand vraiment on ne peut plus rien faire d’autre, quand la personne a perdu sa conscience, quand tout le monde est dépossédé de ce qu’on pourrait faire et que l’on n’assure plus que des soins de confort. Alors que ce sacrement, donné quelques jours avant, participait au mieux-être du malade.

Voilà ! Un certain rapport au temps nous oblige à nous adapter au rythme particulier de celui qui souffre, une parole est à risquer et un geste, tenant compte du malade et de son entourage, est à poser. Pour trouver la juste attitude : la prière du cœur. Nous sommes toujours précédés par Dieu dans la chambre d’un malade, toujours.

Pour terminer, j’aime employer la comparaison du funambule. En effet, la rencontre avec un malade c’est toujours la rencontre de deux funambules, sur un fil : le malade avec ce qu’il est, sa souffrance, sa vie parfois tellement diminuée et celui qui arrive, ne trouvant pas toujours les mots, parfois gêné, ne sachant pas toujours quoi dire, ni que faire. La visite aux malades, c’est la rencontre de deux funambules, sur ce fil unique de la grâce, dans cette relation où deux baptisés se reconnaissent comme fils d’un même Père. Alors, la rencontre est possible. AMEN

Du Frère Yves Habert

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